•   Suit une longue citation d'Henry David Thoreau, concernant étudiants, professeurs et institutions. Ce fut écrit au mitan du XIXème sicècle:

      « Au collège de Cambridge, le simple loyer d'une chambre d'étudiant, (…), est de trente dollars par an, quoique la corporation eût l'avantage d'en construire trente-deux côte à côte et sous un même toit, et que l'occupant subisse l'incommodité de nombreux et bruyants voisins, sans compter peut-être la résidence au quatrième étage. Je ne peux m'empêcher de penser que si nous montrions plus de véritable sagesse à ces égards, non seulement moins d'éducation serait nécessaire, parce que, parbleu! on en aurait acquis déjà davantage, mais la dépense pécuniaire qu'entraîne une éducation disparaîtrait en grande mesure. Les commodités que réclame l'étudiant, à Cambridge ou ailleurs, lui coûtent, à lui ou à quelqu'un d'autre, un sacrifice de vie dix fois plus grand qu'elles ne feraient avec une organisation convenable d'une et d'autre part. Les choses pour lesquelles on demande le plus d'argent ne sont jamais celles dont l'étudiant a le plus besoin. L'instruction, par exemple, est un article important sur la note du trimestre, alors que pour l'éducation autrement précieuse qu'il acquiert en fréquentant les plus cultivés de ses contemporains ne s'ajoutent aucun frais. La façon de fonder un collège consiste, en général, à ouvrir une souscription de dollars et de cents, après quoi, se conformant aveuglément au principe d'une division du travail poussée à l'extrême – principe auquel on ne devrait jamais se conformer qu'avec prudence, - à appeler un entrepreneur, lequel fait de la chose un objet de spéculation, et emploie des Irlandais ou autres ouvriers à poser réellement les fondations, pendant que les étudiants qui doivent l'être passent pour s'y préparer; et c'est pour ces bévues qu'il faut que successivement des générations paient. Je crois qu'il vaudrait mieux pour les étudiants, ou ceux qui désirent profiter de la chose, aller jusqu'à poser la fondation eux-mêmes. L'étudiant qui s'assure le loisir et la retraite convoités en esquivant systématiquement tout labeur nécessaire à l'homme, n'obtient qu'un vil et stérile loisir, se frustrant de l'expérience qui seule peut rendre le loisir fécond. « Mais, dira-t-on, entendez-vous que les étudiants traitent la besogne avec leurs mains au lieu de leur tête? » Ce n'est pas exactement ce que j'entends, mais j'entends quelque chose qu'on pourrait en grande partie prendre pour cela; j'entends qu'ils devraient ne pas jouer à la vie, ou se contenter de l'étudier, tandis que la communauté les entretient à ce jeu dispendieux, mais la vivre pour de bon du commencement à la fin. Comment la jeunesse pourrait-elle apprendre à mieux vivre qu'en faisant tout d'abord l'expérience de la vie? (…) Si je voulais qu'un garçon sache quelque chose des arts et des sciences, par exemple, je ne suivrais pas la marche ordinaire, qui consiste simplement à l'envoyer dans le voisinage de quelque professeur, où tout se professe et se pratique, sauf l'art de la vie; - surveiller le monde à travers un télescope ou un microscope, et jamais avec les yeux que la nature lui a donnés; étudier la chimie et ne pas apprendre comment se fait son pain, (…). Lequel aurait fait le plus de progrès au bout d'un mois – du garçon qui aurait fabriqué son couteau à l'aide du minerai extrait et fondu par lui, en lisant pour cela tout ce qui serait nécessaire, - ou du garçon qui pendant ce temps-là aurait suivi les cours de métallurgie à l'Institut et reçu de son père un canif de chez Rodgers? Lequel serait avec le plus de vraisemblance destiné à se couper les doigts?... »,

    p. 62-64, Walden ou la vie dans les bois, H. D. Thoreau, 1854 ( Gallimard, "L'imaginaire")


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